Souvenirs d'un médecin d'autrefois

mercredi 30 août 2017


Une noisette, un livre

 

Cinquante grammes de paradis

Imane Humaydane


 


Deux femmes, Noura et Maya. Deux destins. Toutes les deux journalistes. Toutes les deux ont fui la Syrie pour le Liban.
Noura sera assassinée en août 1978, en pleine guerre civile, suite à son obstination à écrire la vérité au sujet du suicide de sa sœur. Peu de temps avant d’être abattue elle avait mis au monde un petit garçon, fruit de sa liaison passionnée avec Kamal issu d’une minorité de Turquie.
Des années plus tard, en 1994, Maya, maman aussi d’un petit garçon et jeune veuve, découvre lors d’un tournage une mallette dans un immeuble en ruines. Ce sont des photos, le journal intime de Noura et les lettres enflammées de Kamal.

Au milieu, une troisième femme, Sabbah, l’amie énigmatique de la disparue qui permettra de rassembler les morceaux de ce puzzle. Et le début d’un retour en arrière avec toute la complexité de l’histoire syrienne, libanaise et turque, ce labyrinthe de religions, de politiques autoritaires, de diversités, de conflits plus intimes avec cette domination patriarcale.
La journaliste et anthropologue Imane Humaydane permet par ce roman de mieux percevoir l’imbroglio géopolitique et de confirmer, une fois encore, que la tragédie syrienne et la crise turque remontent à des décennies. Pris en tenaille, le Liban déchiré.

Aux personnages fictifs se greffent des personnages réels comme la diva égyptienne Oum Kalthoum, le cosmonaute Youri Gagarine dont la disparition reste étrange et surtout la chanteuse et actrice Asmohan dont le décès reste également mystérieux. Beaucoup d’énigmes dans un orient qui sent autant l’encens que la poudre…

Votre serviteur n’a pas grignoté ce récit, il l’a dévoré car une fois que vous êtes entré dans le hall, vous voulez monter jusqu’au grenier pour lire le dénouement même s’il est relativement prévisible dès la moitié du livre. La petite noisette qui vous fait chavirer : la splendeur des lettres de Kamal à Noura, poétiques, sensuelles, aimantes, cet amant qui « embrasse les yeux » de sa bien-aimée. Malgré l’enfer de la réalité, la fiction donne l’impression d’avaler… cinquante grammes de paradis.
« Je désirais m’éloigner.  J’ai donc accepté de venir ici. De ne plus retourner en Syrie. Mais pour cela, il fallait écrire. Je ne serais pas la première femme à m’exhiler pour ne pas mourir. Mon histoire viendra s’ajouter à celles de bien d’autres, contraintes de quitter leur pays. »

Cinquante grammes de paradis – Imane Humaydane – Traduction Hana Jaber – Editions Verticales – Avril 2017

 

4 commentaires:

Christiane Mirabaud a dit…

Moi aussi j'ai adoré, je suis une inconditionnelle d'Imane Humeydane depuis"les mûriers sauvages"

L'ivresse littéraire a dit…

Rien que le thème de la Syrie (qui me touche beaucoup) me fait dire qu'il faut que je note ce titre.

Squirelito a dit…

Coucou toi :) Si tu as des références sur la Syrie, n'hésite pas d'une noisette ! Tu as lu "Les portes du néant" de Samar Yazbeck ?

L'ivresse littéraire a dit…

Hello ! Non pas lu, il est dans ma liste aussi. Globalement j'aime ces livres qui traitent du Moyen-Orient. J'avais lu, dans un autre registre, "Les putes voilées n'iront jamais au paradis !". Incroyablement dur mais tellement percutant. Et plus globalement les livres de Djavann Chahdortt sont à découvrir

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