Souvenirs d'un médecin d'autrefois

vendredi 30 décembre 2016


Une noisette, un livre


L’Homme sans mots

Georgina Harding






Sur les marches d’un hôpital roumain un homme s’écroule. Qui est t-il ? Quelle est son histoire ? Il sera soigné mais le dialogue est impossible, il est sourd-muet et ne s’exprime que par le dessin. Très vite une jeune infirmière le reconnaît mais ne dira mot. Parce que le secret est peut-être trop lourd, la guerre s’étant intercalée dans chaque tranche de leur destinée. Une autre infirmière s’occupera de lui, parce qu’il lui rappelle son fils, parti comme soldat à Stalingrad dont le retour est plus qu’improbable.

D’un monde du silence, des silences, Georgina Harding peint un parcours aux couleurs de l’émotion, des touches reposantes avec la description poétique des paysages et des sentiments, des portraits attachants des protagonistes, une vision énigmatique de l’intrigue, des reflets réalistes et des marqueurs durs pour cette Roumanie broyée à partir des années 40.

Derrière ce tableau littéraire, on découvre l’histoire d’Augustin, cet handicapé qui devra affronter le bruit des autres, les cris assourdissants qu’il devine, les incompréhensions. Il est intelligent, beaucoup même, mais face à son mutisme peu en sont conscients. Heureusement, Safta, l’infirmière est là. Elle aussi son destin s’est brisé du fait de la guerre. Cette guerre qui détruit les âmes, blessent les corps et les cœurs, anéantit des familles, enlèvent des vies, gomment les histoires, effacent le patrimoine... Absurdité de la violence, des conflits...

Tinu (Augustin) se rappelle de tout. Les mots sont absents mais la mémoire reste vive. Et un crayon peut raconter, énormément raconter, narrer, tracer, faire renaître les souvenirs, exprimer les blessures. Un crayon, avec quelques couleurs et une dose innée d’observation...

Une très belle fiction que je conseille fortement pour la beauté du ressenti avec un personnage que l’on pourrait comparer à un cheval, fragile mais déterminé, craintif mais brave, pas de paroles mais des vibrations du savoir. Un cheval naissant noir et qui s’éclaircit comme pour effacer les faces sombres de la vie. Un cheval comme...le lipizzan... un animal qui comprend si bien Tinu et réciproquement. 


L’Homme sans mots – Georgina Harding – Editions Denoël – Juin 2013

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