Une noisette, un livre
L’Homme sans mots
Georgina Harding
Sur
les marches d’un hôpital roumain un homme s’écroule. Qui est
t-il ? Quelle est son histoire ? Il sera soigné mais le
dialogue est impossible, il est sourd-muet et ne s’exprime que par
le dessin. Très vite une jeune infirmière le reconnaît mais ne
dira mot. Parce que le secret est peut-être trop lourd, la guerre
s’étant intercalée dans chaque tranche de leur destinée. Une
autre infirmière s’occupera de lui, parce qu’il lui rappelle son
fils, parti comme soldat à Stalingrad dont le retour est plus
qu’improbable.
D’un
monde du silence, des silences, Georgina Harding peint un parcours
aux couleurs de l’émotion, des touches reposantes avec la
description poétique des paysages et des sentiments, des portraits
attachants des protagonistes, une vision énigmatique de l’intrigue,
des reflets réalistes et des marqueurs durs pour cette Roumanie
broyée à partir des années 40.
Derrière
ce tableau littéraire, on découvre l’histoire d’Augustin, cet
handicapé qui devra affronter le bruit des autres, les cris
assourdissants qu’il devine, les incompréhensions. Il est
intelligent, beaucoup même, mais face à son mutisme peu en sont
conscients. Heureusement, Safta, l’infirmière est là. Elle aussi
son destin s’est brisé du fait de la guerre. Cette guerre qui
détruit les âmes, blessent les corps et les cœurs, anéantit des
familles, enlèvent des vies, gomment les histoires, effacent le
patrimoine... Absurdité de la violence, des conflits...
Tinu
(Augustin) se rappelle de tout. Les mots sont absents mais la mémoire
reste vive. Et un crayon peut raconter, énormément raconter,
narrer, tracer, faire renaître les souvenirs, exprimer les
blessures. Un crayon, avec quelques couleurs et une dose innée
d’observation...
Une
très belle fiction que je conseille fortement pour la beauté du
ressenti avec un personnage que l’on pourrait comparer à un cheval,
fragile mais déterminé, craintif mais brave, pas de paroles mais
des vibrations du savoir. Un cheval naissant noir et qui s’éclaircit
comme pour effacer les faces sombres de la vie. Un cheval comme...le
lipizzan... un animal qui comprend si bien Tinu et réciproquement.
L’Homme
sans mots – Georgina Harding – Editions Denoël – Juin 2013
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