Noisette
gothique
Le tissu de crin
Jennifer Kerner
Vous aimez
les romans étranges mais sans choir dans le glauque ? Le tissu de crin est
pour vous. Un roman quasi indéfinissable mais terriblement intrigant, grâce à
cette valeur ajoutée qui est la base de la littérature : l’écriture.
Originale, métaphorique, élégante, taillée sur mesure. Parfait puisque la
fiction évolue dans le milieu de la mode.
Ida est une anti-héroïne. Loin d’être sympathique, elle incarne la froideur, la domination, l’insensibilité. Première d’atelier chez un couturier de luxe, elle ne laisse aucune liberté à ses collègues et son travail n’est pas que millimétré pour tailler les tissus. Sa vie intime est à son image : glaciale. Un époux, un enfant qu’elle a abandonné et qu’elle avait qualifié de « En-trop » ; les bébés n’étant pas son domaine, cf son expérience de baby-sitter… Regrettant sa jeunesse et n’acceptant pas les marques du temps, elle voudrait continuer à séduire. Non aimer, séduire.
Tout bascule lorsqu’arrive le nouveau mannequin cabine, Jean. Beau, énigmatique, jeune. Elle n’a d’yeux que pour lui, à en perdre la tête. Lui, semble plutôt sourire pour une autre couturière, plus jeune. Mais Jean cache d’énormes blessures et le harcèlement dont il ne peut nier l’existence va raviver un passé.
Étrange, bizarre et sensuel. Dérangeant aussi mais sans créer de malaise. Difficile de définir, d’expliquer sans révéler l’intrigue. Ce tissu de crin n’est-il pas le miroir d’une société peuplée de personnes qui se cherchent, se cachent tout en s’exposant, refusent de vieillir à cause du regard des autres, dissimulent leurs faiblesses, leurs blessures de peur de devenir une proie ; une société où se côtoient les dominants et les dominés, les dominants profitant de leur statut pour assouvir leur pouvoir et leurs… désirs. Antagonismes de toute part : le tissu, sensé être doux, peut devenir agressif. Et déchirer celui qui va le toucher sans le vouloir.
Le tissu de crin – Jennifer Kerner – Éditions Mercure de France – Février 2024
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