mercredi 15 décembre 2021

 

Une noisette, un livre
 
S’il n’en reste qu’une
Patrice Franceschi

 


Elle s’appelle Rachel Casanova. Elle est  journaliste pour un magazine australien plutôt à sensation. Néanmoins, son chef, Jim Billingman, est un bon patron et s’en veut d’avoir refusé le reportage de Ted Singleton sur les migrants en perdition. Depuis Ted ne donne plus signe de vie. Jim souhaite changer d’orientation éditoriale et propose à Rachel une enquête sur les combattantes kurdes en Syrie. Bien que n’ayant jamais porté ses pas sur ceux des grands reporters elle accepte aussitôt le défi, partir en Syrie via la Turquie qui contrôle désormais tout après la désertion occidentale, livrant la communauté kurde à elle-même dans l’enfer du terrorisme. En 2017, Raqqa redevenait libre, Des années plus tard, les adorateurs du pandémonium terrien sont revenus pour faire régner à nouveau la terreur.

C’est dans ce contexte de dystopie que Rachel commence son reportage, en pénétrant dans la ville de Kobané avec l’un des correspondants des résistants kurdes, Mohamed. Là, elle pénètre dans un cimetière à l’abandon,  y voit deux tombes en ruines qui interpellent son regard. Deux noms sont inscrits : Tékochine et Gulistan, et apprend que c’étaient deux sœurs d’armes qui ont péri dans des conditions atroces après avoir lutté au-delà de leurs forces. Mohamed est touché par la conviction journalistique de Rachel et lui conseille de partir à Erbil, en Irak, pour rencontrer Bérivan, « la femme qui ne sourit jamais ».

Un roman qui fait froid dans le dos et qui donne une leçon d’humilité absolument prodigieuse. Patrice Franceschi manie en même temps deux plumes, une journalistique l’autre romancière, pour dresser un tableau du drame syrien, du drame kurde, du drame oriental… d’un drame international. Mais surtout, il rend hommage à ces combattants kurdes qui ont pratiquement été seuls pour lutter contre l’ennemi et bien vite abandonnés dès qu’un semblant de ciel bleu est réapparu. Plus encore, véritable chant d’honneur pour ces femmes qui défendent leur pays, leur nation, la démocratie et qui n’ont peur que d’une chose : de mourir pour rien.

« Entre les rêves et les cauchemars ayant hanté cette nuit quasiment initiatique, j’avais aussi échafaudé toutes sortes d’hypothèses sur ce qui pouvait arriver à une femme de mon âge jetée en pâture au destin. Car quoi : je m’apprêtais à partir pour des montagnes rebelles à toute autorité, sans cesse menacées par la guerre, des montagnes fermées à la plupart des étrangers et peuplées de maquisards irrédentistes dont plus personne n’avait idée ; tout cela était empli de mystères et sans doute de périls. J’entrai dans l’inconnu ».

S’il n’en reste qu’une – Patrice Franceschi – Editions Grasset – Août 2021

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