mercredi 5 mai 2021

 

Une noisette, un livre
 
La légende des montagnes qui naviguent
Paolo Rumiz

 


Entrer dans cette légende c’est l’impression d’avoir effectué plusieurs longueurs, sans jamais en avoir eu l’expérience, mais probablement ressentir le même essoufflement – du moins cérébral tant il faut être vigilant dans sa tête pour ne pas rater les moult détails sur les parois des chapitres – et la même sensation de grandeur, de découverte, d’esthétique, une fois gravi les 560 pages. Ce qui reste, néanmoins, c’est cette avalanche migratoire de l’espace méditerranéen, du Fernand Braudel en capitaine de vaisseau montagnard.

De la Croatie à l’Italie, Paolo Rumiz nous entraîne sur un chemin de 8000 kilomètres en naviguant sur deux immenses chaines de montagnes européennes, les Alpes et ses huit pays hôtes, puis les Apennins qui traversent pratiquement toute l’Italie, couvrant plus de quinze régions de la péninsule. A pied, à vélo, en voiture mais pas à cheval, il traverse les massifs, longe les cols et, surtout, entre en communion avec non seulement la nature mais ceux qui la peuplent, animaux comme humains, humains qui en certains endroits deviennent presque une espèce en voie de disparition, les jeunes quittant ces hauteurs sauvages pour les villes où travail il y a.

Je vous fais grâce de tous les lieux cités, de tous les noms des monts et sommets qui peuplent cette Europe de roc et de granit pour vous plonger – ou plutôt grimper – à  travers un périple qui éloigne du monde pour en retrouver un autre, celui des pierres qui façonnent les hommes même si ces derniers ont trop tendance à vouloir prendre le dessus. L’auteur voyageur ne fait pas que passer, il scrute, interroge et pose lui-même des petites pierres en forme de mots sur les errances d’une construction pharaonique qui n’élève que des pyramides à l’encontre de la sauvegarde de la nature, sans pour autant dénigrer la race humaine qui porte une mémoire collective. Car il va en rencontrer des « bibliothèques sur pattes » pour évoquer le passé, la résistance, les prouesses humaines face au dépouillement des conditions matérielles ; ces héros anonymes qui perpétuent une histoire au-delà des cimes. Si, hélas, la jeunesse est trop oubliée, le baroudeur montagnard n’omet pas de souligner le rôle indispensable des réfugiés qui apportent une main tendue pour s’occuper des anciens.

Quant aux autres espèces terrestres, elles sont encore là, à circuler en se moquant des frontières tels les loups, ce fameux loup italien qui a jour devint français. Ours, renards, marmottes, tous ont leur place sur versants et alpages, mais plus ou moins bien accueillis. Pourtant, un peu d’ensauvagement, dans le bon sens du terme, permettrait peut-être de continuer à naviguer sur les crêtes de l’humanité.

« Les Apennins ne sont rien d’autres qu’une Dalmatie sans la mer. Je rêverai d’un navire transatlantique, plein de petits orchestres, voyageant parmi de sombres promontoires. La révélation des monts qui naviguent ».  

La légende des montagnes qui naviguent – Paolo Rumiz – Traduction : Béatrice Vierne – Editions Folio – Avril 2021

 

 

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