lundi 18 janvier 2021

 

Une noisette, un livre
 
Les danseurs de l’aube
Marie Charrel


 

Allemagne 2017. Dans le brouillard des manifestations anti G20, deux êtres hors de l’espace et du temps se connaissent à peine et rien ne semblait pouvoir les réunir : lui est blond, allure androgyne, Allemand ; elle est brune, allure enflammée, Rom. Ils vont pourtant devenir célèbres malgré eux : un journaliste reporter d’images diffuse un cliché exceptionnel qui fait rapidement le tour du monde. Sur fond d’aurore, il saisit l’instant où leurs pieds et leurs bras vont rejoindre l’illisible, leurs âmes vont s’unir pour un flamenco dans toute sa quintessence de la liberté. Imperio et Dolores renaissent d’un lointain passé…

Lukas enfermé dans un corps où il n’arrive pas à se reconnaître, Iva enfermée dans une société qui ne cesse d’exclure son peuple. Tous les deux vont se fondre dans cette danse reflétant tous les écorchés vifs par la flamme des notes et des mouvements. De Hambourg à Grenade, le couple va mettre ses pas dans celui d’une figure russe : Sylvin Rubinstein. D’origine juive, il va entrer dans la résistance en Pologne, en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale et sera un danseur émérite du flamenco, se travestissant en femme pour venger sa sœur jumelle adorée qui a été déportée avec leur mère dans le camp d’extermination de Treblinka.

Un oublié de l’histoire que fait revivre Marie Charrel dans un somptueux roman où la grâce rejoint la disgrâce du monde, où l’élégance de la danse rejoint l’inélégance de la guerre, où la liberté devient un chant sur toute la diversité des êtres et de ceux qui embrassent la vie. C’est charnel et platonique, bruyant et silencieux, statique et virevoltant.

Autre personnage avec une dimension incroyable est celle de l’officier de la Wehrmacht, Kurt Werner, qui a sauvé plus d’une fois le résistant danseur de flamenco ainsi que beaucoup d’autres en allant contre son pays ou plutôt contre la dictature nazie. Raconter c’est soulever le tapis où sont occultés ces combattants allemands qui avaient la haine des SS et d’Hitler et ont mené une résistance dans un courage exemplaire. Kurt Werner est passé à travers les crocs de boucherie et a pu célébrer la défaite du III° Reich.

« Les danseurs de l’aube », un moment magique qui réunit l’art et l’histoire, les ombres et les lumières au rythme de mots et de pas livresques. Un verdadero duende !

« C’est une drôle de chose, le corps. Une enveloppe, qu’on idolâtre ou qu’on ravage, dans l’espoir que la vie y palpite un peu plus fort, ou seulement pour la beauté du geste ».

« Lukas tourne autour d’Iva. Il ôte l’élastique nouant ses cheveux et les jette en arrière. Un halo doré rebondit sus ses mèches blondes. Il se laisse tomber au sol, jaillit. Au flamenco il mêle une gestuelle venue d’ailleurs, contemporaine. Intime. Il suit le rythme d’Iva. Ses longues jambes au galbe ferme, dressées sur des chaussures de femme, frémissent, ploient, dessinenet des courbes voluptueuses. Iva recule, se jette vers lui, entame une valse insensée ».

« Elle lui révèle une autre façon d’être au monde, la simplicité avec laquelle les peaux savent dialoguer, la douceur que l’on peut accorder aux autres, comme à soi-même. La sensualité née de l’abandon ».

Les danseurs de l’aube – Marie Charrel – Editions de l’Observatoire – Janvier 2021

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Une superbe chronique qui reflète si bien mon ressenti pendant ce moment suspendu que représente la lecture de ce roman! C’est exactement ça :  l’élégance de la danse et de l’écriture de Marie Charrel l’écriture face à l’inélégance du monde environnant. « Charnel et platonique, bruyant et silencieux, statique et virevoltant « Tout ou presque est dit. Merci!

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