Une noisette, une
rentrée littéraire #21
Les caves du Potala
Dai Sijie
En
1949, Mao Zedong instaure la République Populaire de Chine. A Lhassa, c’est une
invasion sanguinaire, là où était revenu le treizième dalaï-lama en 1913. C’est
dans son ancienne demeure que des gardes rouges retiennent prisonnier l’ancien
peintre du chef spirituel : Bstan Pa qui a dessiné, notamment, une fresque
monumentale. Il pensait terminer ses jours dans les anciennes écuries du
Palais, où a été hébergé son superbe cheval, mais il est amené dans une des caves,
horrible lieu de tortures et de supplices qui lui rappelle une de ses visites
auprès d’un Lungshar, adepte de la médecine traditionnelle chinoise. Ses yeux
lui avaient été arrachés. Le crime que l’on reproche au vieux peintre est non
seulement sa proximité avec le dalaï-lama mais aussi celui d’avoir osé peindre
une femme nue.
De la spiritualité à la barbarie, qui l’emportera… parce que pour lutter contre les douleurs et les humiliations, Bstan Pa se remémore son enfance, son apprentissage et toute sa carrière dans ce haut lieu bouddhiste entouré de sagesse, de prières, de nature libre et de beauté. Une méditation pure et authentique en totale dichotomie avec ces très jeunes étudiants de l’école des beaux-arts qui s’y connaissent bien mieux en armement et outils de torture qu’en tankas.
Un roman – roman qui oscille entre récit historique et carnet de voyage – qui m’a fait découvrir un univers quasi inconnu pour moi, celui de l’art tibétain et de toute sa richesse en pigments et symboles. Dans une langue où les mots semblent prendre une couleur différente selon la tonalité de la narration, découle une harmonie extraordinaire malgré la dureté insoutenable des exactions commises par des êtres sans foi, ni loi. Une façon de rappeler ces décennies rouge sang et l’intolérable torture qui, hélas, perdure dans le monde d’aujourd’hui.
« Dans l’eau, les vibrations du reflet des montagnes persistèrent longtemps après que la femme y eut plongé. Des rides concentriques comme un impalpable et lancinant écho de son corps nu, de ses seins, de ses hanches et de ses cuisses, se répercutèrent jusqu’à la rive où je dessinais. J’étais là pour réaliser des esquisses, en vue de peindre une fresque au monastère de Darzêdo. La pureté de l’eau me permettait de voir le sable ocre et les cailloux, gros comme des œufs d’oiseaux préhistoriques, qui tapissaient le fond du lac ».
Les caves de Potala – Dai Sijie – Editions Gallimard/Collection Blanche – Septembre 2020 – Rentrée littéraire 2020
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