Une noisette, un livre
Un automne de Flaubert
Alexandre Postel
« Il
vainquit les Troglodytes et les Anthropophages. Il traversa des régions si
torrides que sous l’ardeur du soleil les chevelures s’allumaient d’elles-mêmes,
comme des flambeaux ; et d’autres qui étaient si glaciales que les bras,
se détachant du corps, tombaient par terre ; et des pays où il y avait
tant de brouillard que l’on marchait environné de fantômes ».
La
légende de Saint-Julien l’Hospitalier / Trois contes – Gustave Flaubert
Publié
en 1877, Gustave Flaubert en avait commencé l’écriture des années auparavant.
Mais d’autres œuvres majeures seront achevées avant. En 1875, fatigué, épuisé
physiquement et nerveusement, en difficulté financière et, lui aussi, environné
des spectres du passé, décide de passer un séjour à Concarneau à l’automne de
sa vie. De ces faits véridiques, Alexandre Postel en fait un roman où se
mélangent effluves marins et humeurs nostalgiques.
Flaubert déprime, il se sent inutile et ses
relations avec sa nièce sont chaotiques. Dans un miroir, il a l’impression que
sa vie va de Charybde en Scylla, que bientôt l’hiver de sa destinée tombera
comme neige sur les cimes du désespoir. Tout l’ennuie, tout le lasse. Il croit
apercevoir une lueur de renouveau lorsque son amie George Sand lui conseille
d’aller rendre visite à Victor Hugo. Mais c’est le contraire qui se produit.
Flaubert se sent comme le homard que croque le père des
« Misérables », un roi qui ne s’amuse plus.
Puis,
il se souvient de la Bretagne, de Concarneau et soudain, il songe que là-bas un
Phénix peut renaître de ses cendres en régénérant ses esprits non par le feu
mais par la mer et l’arôme de ses richesses. Il y retrouve son ami Pouchet qui
dissèque mollusques et poissons. Entre bains de mer et repas gastronomiques, il
essaie de se replonger dans l’histoire médiévale de Saint-Julien.
Une
très belle évocation de la mélancolie d’un écrivain, de ce que peut ressentir
chaque être vivant lorsqu’il se regarde dans un miroir avec les marques du temps
et les regrets qui se réfléchissent au cœur de la psyché.
L’autre
intérêt est l’écriture d’Alexandre Postel qui a su magistralement se fondre
dans l’ambiance du dix-neuvième siècle et particulièrement dans celle de
Flaubert. Le « père » de Madame Bovary n’est en rien un de mes
écrivains de prédilection et pourtant comme une envie de redécouvrir son œuvre
parce qu’une fragrance particulière s’est portée sur mes yeux, par le mélange
d’un temps passé et d’une histoire littéraire.
Un
roman comme un tableau où derrière chaque mot s’est dessiné non pas une plume
mais un pinceau, un pinceau cherchant sur sa palette les couleurs d’une vie,
d’un parcours, d’un paysage toutes les nuances pour produire un portrait aux
variations énigmatiques de l’âme. Patrick Grainville dans « Falaise des
fous » grave plusieurs fois sur ses pages « Parce que Monet
peint », comme une envie de le paraphraser avec un « Parce que
Flaubert a écrit ».
« Même agitée, la mer accorde
toujours le repos à celui qui la regarde. Sa pulsation obstinée inspire à
l’homme égaré dans son labyrinthe intérieur le sentiment des choses
simples ; et à celui qui doute de la vie, le sentiment de la nécessité.
Simple et nécessaire, la mer accueille toutes les douleurs. Elle n’offense pas
les âmes fatiguées (…) Il n’y a que la mer pour rendre la vie tolérable ».
Un automne de Flaubert – Alexandre
Postel – Editions Gallimard – Janvier 2020
1 commentaire:
Je suis en retard sur tes lectures mais je viens de commencer celui-ci que je trouve remarquablement bien écrit !
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