mardi 12 septembre 2017


Une noisette, un livre

 

 

Je m’appelle Lucy Barton

 

Elizabeth Strout




Il y a des moments dans la vie, lorsque celle-ci est en mode ralenti, où on refait son parcours, où on réfléchit sur soi-même, sur les autres, l’immobilité pousse, entraîne à la mobilité de la pensée.

C’est la base du nouveau roman d’Elizabeth Strout « Je m’appelle Lucy Barton », un huit-clos dans une chambre d’hôpital impersonnelle mais avec toute la richesse personnelle des sentiments.

Lucy Barton est hospitalisée plus longuement que prévu suite à une opération. Maman de deux enfants, elle n’a pas revu ses parents (ni même parlé à l’un des membres de sa famille) depuis son départ de son Illinois natal pour New York. Grande est sa surprise quand elle voit arriver sa mère dans cette chambre pour lui tenir compagnie.

C’est le début d’un dialogue entre une mère et sa fille sur le passé, la famille, les amis, les connaissances, les rencontres, les choses de la vie... Tout en pudeur, sans effusion parce quelque chose les a séparées malgré un attachement profond entre les deux.

Un récit humain, profondément, sur les couleurs de la vie et ses nuances, du gris sombre au vermeil passion, raconté simplement, sans fioritures, sans pathos, librement et surtout avec une franchise absolue. Lucy Barton revoit son enfance avec ses peurs, la rudesse de son père mais, qui en réalité cachait un être profondément sincère et sensible, la vétusté de l’habitation, le froid avec cette sensation qui la poursuivra toute sa vie. Mais sa méditation va aussi se porter sur son mari, ses soupirants, sur l’amour conjugal avec ses hauts et ses bas et surtout, sur la solitude. Oui, la solitude car même si l’on ne vit pas seul, dans sa tête c’est un isolement car on ne peut pas tout dire, tout exprimer, l’autre n’a pas pas eu la même vie et ne comprendra pas forcément certaines de vos réactions.

S’ajoutent un bel hommage au monde médical, une construction psychologique sur l’écrivain, des questions sur l’histoire et la condition des indiens d’Amérique, et ce qui m’a profondément marqué, c’est ce passage avec la description du regard, « cette lumière du corps qui s’éteint en dernier », d’un malade du SIDA à une époque où la maladie était terriblement tabou et synonyme de peste.

Un roman foncièrement humain qui peut être défini comme un viatique de l’existence sur les ailes des souvenirs. 

« C’est comme ça que j’ai appris une chose : pour arriver au bout d’un travail, il suffit de le faire. »

« Quel que soit le nom qu’on donne à ce besoin de trouver quelqu’un à rabaisser, je le considère comme ce qu’il y a de plus vil en nous. »

« Maman, quand tu écris un roman, tu peux toujours le réécrire, mais quand tu vis avec quelqu'un pendant vingt ans, c'est un roman que tu ne pourras jamais réécrire avec quelqu'un d'autre »

Je m’appelle Lucy Barton – Elizabeth Strout – Traduction Pierre Brévignon – Editions Fayard – Septembre 2017






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