jeudi 9 mars 2023

 

Une noisette, un livre
 
S’échapper
Martine Duquesne

 


Certaines histoires font peur. Non pour des frissons d’épouvante mais par crainte de retrouver des situations tristement vécues qui laissent des blessures à vie. Le nouveau roman de Martine Duquesne faisait partie de cette catégorie. Je l’écris à l’imparfait car l’autrice a réussi non seulement à ne pas convertir les pages du livre en une rivière de larmes mais à apporter des rayons de lumière à travers le personnage de Maxime.

Maxime, un enseignant désabusé face à sa hiérarchie, est inconsolable. Il avait trouvé l’amour de sa vie avec Lina, une jeune femme solaire. L’astre s’est éteint après un combat contre la maladie et Maxime culpabilise, pensant, croyant qu’il aurait pu être plus présent, plus à ses côtés. Pourtant, il l’a accompagnée jusqu’à son passage dans l’au-delà mais en plongeant dans l’alcool. Après le décès, il retrouve les carnets de bord écrits par Lina pendant sa maladie ; ce qui ne fait qu’accroître sa peine. Les consultations chez un psy ne résolvent en rien les crises de désespoir. Jusqu’au jour où Maxime décide de s’échapper, non pas de fuir mais d’aller ailleurs, de tenter de se remettre en mouvement ; direction l’Ouest américain.

La romancière a prodigieusement recréé les sentiments qui s’infiltrent dans une personne en deuil, notamment avec ce terrible sentiment de culpabilité, celui de ne pas avoir fait tout son possible pour sauver l’être cher, l’accompagner, cacher ses larmes. Vouloir fuir tout en restant présent. La maladie n’épargne personne : ni la personne atteinte, ni son entourage. Et ce n’est pas forcément un accompagnement psychologique qui peut sauver celui qui reste. Ce besoin de continuer à parler à l’être disparu à jamais, cette descente vers l’enfer. Quand soudain, une petite lumière jaillit et peut vous sauver. Car la vie continue.

Poignant, émouvant, ce roman est magnifique. Le tout sublimé par une plume qui s’adapte à chaque situation, passant de la poésie à des dialogues bruts, de la mélancolie à la colère, de l’abattement à l’envie de vivre. Une réussite à laquelle il ne faut échapper.

« J’ai commencé à me demander ce que je faisais là, tout en prenant conscience de la promiscuité induite par la formule même du circuit. Heureusement, tu étais là, ma Lina, je t’avais emmenée dans mes bagages, convaincu depuis peu que nos disparus savent nous accompagner au-delà de la mort. Et habité par cette idée lue je ne sais où : lorsqu’une ampoule s’éteint, il persiste toujours une lumière résiduelle. Tu étais ma lueur dans la nuit ».

S’échapper – Martine Duquesne – Éditions Favre – Mars 2023

 

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