lundi 18 avril 2022

 

Une noisette, un livre
 
Le manuscrit MS620
Claire Bauchart

 


Le roman que j’attendais depuis longtemps. Un roman qui enveloppe un mystère à élucider, qui fait voyager, qui relie progressivement des personnes entre elles. Un roman de fiction mais qui n’exclue pas la réalité du monde. Un roman travaillé au millimètre près et qui renvoie – ô miracle – à "La Jangada" de Jules Verne.  

Tout commence en 1920 en Nouvelle-Calédonie. Herta Mertil, une poétesse recluse au bagne de l’île des Pins écrit un court manuscrit où se mêlent une espèce de dialecte latin et une accumulation de croquis sommaires représentant une ou plusieurs femmes. Soixante ans plus tard, sa petite fille, Suzanne,  atteint d’un mal incurable garde toute son énergie pour tenter de déchiffrer ce qu’a voulu exprimer sa grand-mère, cette femme avant-gardiste pour l’émancipation féminine et la liberté. Émile Durantier, son fils, aidé de sa belle-fille arrive à convaincre sa mère de retourner à Paris pour se soigner et lui promet entre-temps d’analyser le document, lui l’éminent professeur en langues anciennes. De ce manuscrit il en écrira une thèse mais sans pouvoir en décrypter la teneur.

 Cette thèse va justement susciter la curiosité d’Hortense lorsqu’elle arrive en 2011 à Washington pour y suivre un cursus. Passionnée de criminologie, elle croit au pouvoir du numérique pour assoir son égo via la diffusion de vidéos Youtube où elle commente des épisodes de l’histoire non résolus, et, l’idée de travailler un feuilleton sur ce manuscrit serait une belle façon pour gagner encore davantage de followers. Presque en même temps – sans être en marche pour autant – Bérénice, une jeune spécialiste du déchiffrage et de la sécurité informatique, se voit confier dans une grande société basée à Singapour le manuscrit pour en faire une traduction.  Ses supérieurs l’envoient vers une voie garage et la jeune femme est bien décidée à ne pas se laisser faire.

Toujours savoureux ces objets qui relient les êtres à toute époque, en tout lieu. Et encore mieux lorsque cet objet est une œuvre, en l’occurrence un manuscrit. L’intrigue est, certes, le point culminant du roman mais l’autrice a la faculté de l’articuler autour de moult sujets à commencer par l’histoire calédonienne. Quelques griffes bien travaillées complètent la manucure et on se délecte malicieusement de l’égo d’Hortense et de la sauvagerie mercantile des cheffes de Bérénice.

Noisette sur le livre, l’écriture de Claire Bauchart glisse au fil des pages et admiration pour le travail accompli ; la romancière n’a pas choisi la facilité, elle s’est engagée dans une fiction, une vraie, enrubannée d’une multitude de recherches. Raison de plus pour déguster sans modération ce roman entraînant le lecteur dans le mystère des codes des écrits et, concomitamment, celui des vies.

Le manuscrit MS620 – Calire Bauchart – Editions Filatures/Dargaud – Février 2022

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