Une noisette, un
livre
Celle qui fut
moi
Frédérique
Deghelt
Sophia
L est une star et a tout – en apparence – pour être heureuse. Sauf qu’un récent
divorce l’a éprouvée, que sa fille commence à prendre une liberté légitime et
que sa mère est de plus en plus insaisissable dû à l’hôte indésirable qui la
ronge et qui se nomme Alzheimer. Cette mère avec qui le dialogue a toujours été
difficile et lorsque sa génitrice est à nouveau hospitalisée elle ne cesse de
lui parler d’une autre mère. L’artiste, intriguée, se renseigne auprès de son
père et de sa tante et découvre une partie de son enfance occultée : toute
jeune enfant elle ne cessait de voir une femme en disant que c’était sa mère,
une grande blonde aux yeux verts, et parlait d’un grand jardin aux fleurs
multicolores, de la mer, de mangues et de berceuses créoles. Est-elle une
enfant adoptée ? Ou bien la réincarnation d’une autre ?
Bouleversée, elle part dans un premier temps au Brésil puis s’envole pour la Martinique. Dans l’avion, elle, si pusillanime dans sa notoriété, elle engage une conversation avec un élégant japonais au teint basané qui veut retrouver sa mère inconnu d’origine martiniquaise. Elle apprend que l’homme est un maître dans l’art du Kintsugi. Deux êtres assis côte à côte pour un envol vers une quête identitaire.
Une histoire presque envoutante, on ne cherche même pas à savoir qui est cette Sophia L. Mieux ainsi, elle ne souhaite pas révéler son identité et c’est Frédérique Deghelt, avec toute l’élégance et la délicatesse qu’on lui connaît, qui invite chaque lecteur à retrouver ce voyage initiatique et intérieur. La romancière s’est complètement effacée pour raconter cette quête vers les racines et a eu la courtoisie de ne pas se centrer uniquement sur les états d’âme de l’illustre inconnue mais de parler des autres : autres rencontres, autres lieux, autres regards.
Effluves du Brésil avec initiation au candomblé, page d’anthologie (119) avec cette réflexion sur la couleur de la peau et la domination coloniale et une remarquable déambulation en Martinique où Sophia devra affronter quelques épreuves avant d’élucider ce mystère qui la tourmente. Si ce roman est d’une subtilité inouïe, la plus belle des métaphores est celle avec le Kintsugi cet art qui « redonne vie à ce qui a été brisé ».
Félurement vôtre,
« Se faire
du bien quand la vie vous fait du mal est une balance nécessaire qui calfeutre
l’écrin du quotidien ».
« Ce n’est pas le fait d’être né dans la bonne famille, d’avoir un boulot, un amoureux ou un nom en vue qui nous sauve. Quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, rencontrer au bon moment la bonne personne, l’appeler de ses vœux et qu’elle arrive comme par miracle, voilà quelque chose qui flirte avec le destin ».
« Être célèbre, c’était courir le risque de ne plus vraiment s’appartenir ».
Celle qui fut moi – Frédérique Deghelt – Éditions l’Observatoire – Mars 2022
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