jeudi 9 avril 2020


Une noisette, un livre


 L’apiculteur d’Alep

Christy Lefteri




Un roman qui se butine.

Nuri est devenu apiculteur au grand désespoir de son père. Mais c’est un rêve qui se réalise grâce à son cher ami Mustapha. Sa femme Afra peint, dessine. Ils ont un petit garçon Sami et tous les trois savourent leur bonheur dans la magnifique ville d’Alep. Hélas, le paradis devient enfer, la guerre éclate, les exactions se multiplient, les bombes tombent. La Grande Faucheuse travaille à plein régime, les torturés, les charniers se multiplient. Mustapha part quand les ruches sont détruites par les forces du pouvoir, les escadrons de la mort devenant de plus en plus redoutables. Pour le jeune couple, plus d’autre option possible que de suivre le chemin dangereux de l’exil, abandonner sa terre, laisser ses souvenirs dans la poussière des combats. Surtout que leur appartement a été visité, puis une bombe a explosé. Emportant pour toujours le petit Sami et en rendant aveugle sa maman. Comment va se dérouler la traversée en Méditerranée et pourront-ils rejoindre l’Angleterre ?

Un récit plus vrai que nature qui met en lumière un couple magnifique mais proche de l’effondrement après tout le vécu de la guerre, de l’exil, des blessures qui ne pourront jamais se refermer, juste être colmatées. Sans forcer dans le trop tentant misérabilisme, Christy Lefteri narre une histoire avec toute la sensibilité que l’on peut éprouver face à la souffrance, face à la perte de repères et de la prise de conscience d’une reconstruction possible. Parce que la vie se doit d’être la plus forte.
De la tristesse du désarroi de l’exil, de la longue route de la régularisation des sans-papiers se calque la beauté de la résistance, de ces petits riens qui soudain prennent une force gigantesque dans le combat pour une renaissance.
Si le roman est très focalisé sur le personnage de Nuri, il n’en reste pas moins que ressort un très beau portrait de femme avec Afra et aussi avec cette africaine errant dans le camp de rétention. Si l’être humain est un roseau dans la géhenne, la femme est doublement victime car bien plus encore la proie de la violence des hommes…

Un livre à lire pour réaliser ce qu’est un aller sans retour et tout ce que le corps peut subir quand l’esprit plonge dans le désespoir, quand les larmes ne coulent plus tant la sécheresse d’une guerre les anéantit aussi. La ruche humaine est un ensemble d’alvéoles qui oscille entre l’âpreté des âmes noires et la succulence des mains qui se tendent vers vous, en amour, en amitié, en solidarité. Loin de donner le bourdon, l’histoire de cet apiculteur vous fera entendre un vol d’abeilles au dessus d’une citadelle de l’espérance et de ses murs représentant la capacité humaine à renaître des ruines.

« Là où il y a des abeilles, il y a des fleurs et là où il ya des fleurs, il y a l’espoir d’une vie nouvelle ».

L’apiculteur d’Alep – Christy Lefteri – Traduction : Karine Lalechère – Editions du Seuil – Mars 2020

Livre lu dans le cadre de Masse Critique du site communautaire Babelio

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