Une noisette, un livre
1969, année fatidique
Brice Couturier
1969, un millésime
fécond ? Pas forcément pour le journaliste Brice Couturier qui publie un
brillant essai sur cette année pas comme les autres, clôturant un cycle
d’émancipation et de contestations dans un « kamasutra » politique
mondial, de la Chine aux Etats-Unis et inversement…
L’intérêt principal de
ce document est qu’il ne se focalise pas uniquement sur la France mais englobe
l’Europe d’ouest en est, l’Asie et l’Amérique, le monde étant une vaste toile
où les tissages arachnéens s’accordent ou se désaccordent, prennent de
l’ampleur ou avalent l’autre. Le fil conducteur ou la référence est évidemment
1968 qui a été le fruit de contestations et de libertés mais qui, selon
l’auteur, est un immense ratage du fait, en partie, des guerres que l’on
pourrait qualifier de fratricides au sein des différents partis de gauche, et,
d’autre part, un certain extrémisme qui n’a fait que renforcer le conservatisme
mondial.
Vaste kaléidoscope à la
fois historique, politique et culturel, du printemps de Prague au rassemblement
rock et hippie de Woodstock, des premiers pas sur la lune aux derniers sursauts
de la France gaullienne, des transgressions les plus audacieuses aux multiples
occasions ratées, de la révolution sexuelle à l’émergence des sectes les plus
sanguinaires, le lecteur revisitera ou découvrira comment certains évènements
se sont enchainés et ont été soit le socle d’une transformation de la société,
soit un retour en arrière. Le tout avec un décryptage minutieux de toutes les
mouvances politiques et sociologiques apparues à la fin des années 60.
Pertinence du récit d’autant plus tranchante que le journaliste a lui-même
suivi les mouvements maoïstes lorsqu’il était étudiant.
Brice Couturier appuie
ses réflexions non seulement sur ce qu’il a vécu mais sur ce qu’il a lu et
nombreuses sont les références d’ouvrages ou d’articles parus dans la presse.
Deux parmi elles retiennent forcément l’attention : Chien Blanc de Romain
Gary et Pastorale américaine de Philippe Roth.
Ce livre permet
également de réaliser que le sempiternel « c’était mieux avant »
n’est pas forcément véridique. Lorsque dans notre ambiance du début du XXI°
siècle, nous nous effrayons des regains de violence, c’est oublier un peu vite,
par exemple, le nombre d’attentats que les Etats-Unis subissaient chaque jour à
la fin des années 60 ou au début des années 70 ; un salutaire rappel. Le
lecteur fera aussi connaissance avec la redoutable secte des Weathermen qui a
été digne (façon de parler) d’un film d’horreur inimaginable.
Si votre serviteur a lu
cet ouvrage comme un journal de naissance, c’est aussi un excellent moyen pour
prendre du recul sur les mouvements et les faits d’hier et d’aujourd’hui, de
confirmer que les extrêmes finissent par produire le contraire de ce qu’elles
réclament (et que bien souvent le grand écart finit par se rétrécir pour ne
former qu’une seule ligne) et de ne jamais tomber dans l’angélisme ou la
diabolisation.
1969,
année fatidique – Brice Couturier – Editions de l’Observatoire – Août 2019
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