Une noisette, une interview
Sophie Broyet
Sylphe journalistique
A
l’instar de la politique, dans les médias vivent des femmes et des
hommes de l’ombre. Forcément invisibles, forcément indispensables
pour que l’écran passe du noir à une colorimétrie diversifiée.
Aujourd’hui
rencontre avec l’une d’elles : Sophie Broyet, la reine de
l’échiquier du magazine 13H15 sur France 2. Une journaliste qui
roxe du poney, électron libre pour parsemer des ions positifs sur
nos ondes cathodiques.
Une très belle histoire. Sans aucun doute. La plus belle, non, car elle est à venir ! J’entame une quatrième saison au "13H15", le magazine de France 2. L’aventure est exaltante. Riche et formatrice. Elle est l’histoire de très jolies rencontres et d’une grande fierté. Le 13H15 est synonyme de sérieux, de professionnalisme et créativité. Je mesure ma chance de collaborer à l’un des programmes les plus innovants du PAF. Et que dire du boss… Laurent Delahousse est l’une des rares personnalités du monde de l’audiovisuel avec qui j’ai autant de plaisir à partager idées et projets. Suffisamment rare pour être souligné !
2
– Ton parcours en quelques noisettes ?
Un
parcours assez atypique. Inclassable me dit-on souvent. Diplômée
d’un 3è cycle en Sciences Politiques à l’IEP de Strasbourg, je
pensais "faire carrière" à la Commission ou au
Parlement européen. Portée par l’ombre de mon grand-père
maternel que je n’ai pas connu, qui en 1952 abandonna le barreau
pour fonder ce projet fou qu’était la CECA (Communauté Européenne
du Charbon et de l’Acier) aux côtés de Robert Schuman. J’ai
idéalisé ce grand-père. Et l’idée d’Europe aussi.
Mais
la tentation du journalisme est venue à bout de mes desseins
universitaires. Une passion qui remonte à mes années d’adolescence.
Je me souviens de l’émission 7 sur 7 qu’animait Anne Sinclair
sur TF1. J’avais 12-13 ans. Un rite. Tous les dimanches avant le
dîner de famille.
A
la sortie de mes études, c’est France Inter qui m’a offert une
première chance. Puis Le Figaro et la télé ensuite. J’ai
toujours eu une chance inouïe. Celle de pouvoir choisir où
travailler. Et d’en partir aussi. Pour aller apprendre ailleurs. Et
y apporter mon souffle. Chacune de ces expériences m’a passionnée.
Toutes très différentes. Elles m’ont fondée.
3
– L’année dernière, tu as réalisé un reportage pour le 13h15,
une nouvelle expérience à ton actif. Envie de recommencer si
l’occasion faisait toc-toc à ta porte ?
Oui,
j’ai accompagné Jérôme Kerviel dans sa marche rédemptrice sur
les routes solitaires d’Italie avant que la police française ne
l’arrête à Menton en mai 2014. Un doc compliqué, un personnage
central complexe mais attachant. Une affaire rocambolesque dont on ne
connaîtra sans doute jamais les tenants et aboutissants tant elle
est politique. C’est l’histoire d’un homme, David (Jérôme
K.), contre Goliath. Un scénario de fiction, en somme. De thriller
politico-financier ! C’est ce qui m’a plu. J’aurais aimé faire
mieux, bien mieux. J’aurais aimé travailler davantage mon angle. 4 – Des vies, des parcours, le roman d’ "Une histoire française" Et au fil des chapitres, des belles rencontres ?
De très belles rencontres, oui. Indiscutablement. Des hommes (Jean d’Ormesson, Charles Pasqua, PPDA, etc) et des femmes (Arlette Laguiller et prochainement Christine Lagarde) qui lèvent le voile sur eux-mêmes. Des interviews vérité signées Laurent Delahousse, évidemment. Mais que j’ai tellement de plaisir à travailler dans leur phase d’élaboration ainsi qu’à la réalisation et au montage. J’y mets toujours beaucoup de moi-même.
5
– Indépendance, liberté, insoumission. Trois vocables vénérés,
trois concepts indissociables. Mais comment les contenir dans une
jungle médiatique sous pression ?
Trois
caractéristiques indispensables. Qu’il ne sert de contenir tant
elles sont l’essence même de cette profession. Trois
caractéristiques difficiles à canaliser lorsqu’autonomie,
tempérament et créativité fondent votre personnalité. C’est mon
cas, et j’avoue souvent me laisser déborder par cette propension.
Indépendance,
liberté, insoumission… Trois valeurs cardinales pour notre
profession, c’est certain. Et je pense qu’elles caractérisent
plutôt bien France 2. Je ne suis pas peu fière de travailler pour
une chaîne, qui bien que soumise aux exigences du pouvoir politique,
donne chaque jour des preuves de son indépendance. Voyez Cash
Investigation. Le procédé se discute, en attendant, il est culotté.
Une
seule réserve, peut-être, sur la question de l’insoumission. Car
le terme est trop fort pour être galvaudé. Seul Charlie Hebdo peut
aujourd’hui s’en prévaloir, je pense. En en payant le prix fort…
6– Tu participes à cette séduisante initiative L'Echappée Volée où l’on s’engage plutôt que de se résigner, où l’on
agit plutôt que de se lamenter. De l’optimisme, une vision
différente de la société. Des rêves aussi ?
Oui.
J’ai eu la chance de participer aux deux premières éditions de
l’Echappée volée. Grâce à Michel Lévy-Provençal, son
créateur. Cette initiative est incroyablement stimulante.
Résolument optimiste, L’Echappée volée modifie le regard que
l’on porte sur le monde et invite à l’action. Digitalisation de
nos sociétés, éthique, intelligence artificielle… Autant de
questions fondamentales qui promettent des transformations radicales
les années à venir. Je trouve ça fascinant.
7
– Le 25 décembre 2004 l’ile Phi Phi a été touchée par un
effrayant tsunami suite au tremblement de terre dans l’Asie du
Sud-Est. Le 25 décembre 2014 tu publiais plusieurs tweets que l’on
ne peut effacer de sa mémoire. Sur l’un d’eux tu écrivais "Ne pas oublier ce jour funeste et se sentir plus vivant que jamais".
Un drame apocalyptique inscrit pour toujours au plus profond de toi-même?
Tout
est résumé en quelques tweets, oui. Ce 24 décembre 2004 est gravé
dans ma mémoire. J’ai eu la chance d’en sortir indemne. Et cette
sempiternelle question : par quel miracle ai-je été épargnée ?
Je cherche toujours la réponse. En attendant, cette quête me donne
de la force. Je peux connaître des périodes d’abattement, comme
tout le monde, mais dans le fond, rien ne me fait trembler. Rien.
Sauf la mort. Et la maladie.
8
– Impossible d’échapper au quizz de l’écureuil, mais c’est
pour mieux te connaître...
- Un roman : Si c’est un homme – Primo Levi
- Un personnage : Le Pape François
- Un(e) ecrivain(e) : Michel Houellebecq
- Un film : Amour
- Une musique : Ludwig Van Beethoven, pour son envoûtante mélancolie
- Une peinture : Pierre Soulages
- Un animal : Squiri l’écureuil (Note: à une noisette près, je censurais la réponse)
- Un dessert : Le Merveilleux
- Une devise/une citation : Va, vis, deviens (Mais deviens ce que tu es)
Et
pour toi Sophie, une innovation dans la série des interviews du blog
pour te faire une surprise : j’ai proposé à de fidèles twittos
du 13H15 et à quelques collègues de te poser une question,
accompagnée selon leurs souhaits d’un commentaire noisettement
panaché !
=> Commençons par quelques supporters :
Le 13h15 est le fruit d’un savoureux mélange de talents divers, de garçons et filles épris de créativités, curieux et généreux, ouverts sur les autres. Je crois que le 13h15 possède ce supplément d’âme qui le rend si singulier.
Valentine: Comment se déroule une journée typique quand on est journaliste à
France 2 ?
De
manière atypique ! Aucune journée ne se ressemble. C’est ce
qui rend notre métier si plaisant. Je crois que l’on ne choisit
pas cet univers pas hasard. La garantie de l’anti-monotonie par
excellence. Et la promesse d’apprendre chaque jour davantage et de
se nourrir de ce qui nous entoure.
Handé: Comment vous êtes vous retrouvée dans l’équipe de Laurent
Delahousse ? Une fidèle téléspectatrice adorant votre franc-parler
sur Twitter !
Je
ne remercierai jamais assez Erwan L’Eleouet, rédacteur en chef de
l’émission Un jour un destin, de m’avoir présenté Laurent. Un
rendez-vous en juillet 2012 et je démarrais au 13H15 au mois de
septembre suivant.
Nadette Winograd: Fidèle du magazine 13H15, j’aimerais savoir ce que deviennent
les personnes de vos reportages ? Je tiens également à vous dire
toute mon admiration pour votre travail. Merci et bravo à toute
l’équipe du mag.
Il
n’y a pas de règle. Les journalistes ne restent pas nécessairement
en contact avec les personnages qu’ils ont suivis et avec qui ils
ont pu partager d’intenses moments. Il arrive cependant que
l’aventure se poursuive au delà de la diffusion. Parce qu’une
suite est envisagée. Ou parce que quelques téléspectateurs
demandent à entrer en contact avec nos personnages. Nous tâchons
alors d’assurer la mise en relation.
Eva Facchino J’aimerais savoir si votre métier était un rêve de jeune fille
ou pas . Si oui, vous vous voyiez travailler dans les médias ?
Oui.
Comme répondu plus haut, ce choix remonte à mes années
d’adolescence. Mon entourage m’en a souvent dissuadé (précarité,
etc) mais je n’en ai jamais vraiment démordu. Et je ne le regrette
pas. J’ai la chance de pouvoir affirmer que j’exerce un métier
fantastique. Et surtout, que j’ai suivi mes rêves.
Adeline: Sophie, quel média préfères-tu ? Télé ou radio ? Merci, et
avec mon meilleur souvenir pour ces quelques tweets échangés un 31
décembre 2012, j’ai été très touchée.
J’ai
commencé par la radio. Elle m’a appris la rigueur, m’a transmis
l’amour du son, des silences. En radio, rien n’est futile. Rien
n’est prétexte. Tout a un sens. Je pense que le reportage télé a
tout à apprendre de la radio. C’est d’ailleurs ce que j’essaie
d’appliquer en montage pour le 13H15. La télé est fascinante. Un média complet, riche mais qu’il convient d’exercer avec justesse et précision tant son "pouvoir" captive et agit sur les consciences.
Thomas : Quel est le souvenir qui vous a, pour l’instant, le plus marqué
dans votre vie professionnelle ?
Tous !
Je mesure chaque jour l’immense privilège qui est le mien. Celui
de pouvoir rencontrer des personnalités autrement inaccessibles pour
une majorité de Français. De me nourrir de leurs connaissances et
d’apprendre… Oui, apprendre. Quelle chance inestimable que de
gagner sa vie à apprendre. Christine Duffau: Bonjour Sophie. J’aimerais comprendre comment tu fais pour travailler dans ce milieu aussi « dur » qu’est la télévision et rester une fille aussi sympa, humaine et d’esprit si ouvert aux autres ? Quelle que soit ta réponse, merci d’être celle que tu es.
Chère Christine. Que répondre à ce joli compliment…
Frédéric Reglain: Quand je vois ton attachement à l’humain, je pense que tu
éprouves de l’intérêt pour l’art. Pourtant tu ne t’exprimes
que rarement sur ce sujet. Quelles sont tes préférences dans ce
domaine ?
Très
sensible à l’art en effet. Mais très complexée aussi. De l’art
en général, j’avoue n’avoir qu’une connaissance sensitive.
Chez moi, l’art s’adresse à la sensibilité. Il provoque en moi
réflexions et analyses qui s’affranchissent du pur rapport
esthétique.
Sucette
: Coucou Princesse Sophie. Puisqu’on peut enfin te poser une
question, j’en profite ! As-tu déjà embrassé une fille ?
Question pour le fun hein ;-) Bisous.
Oui,
bien sûr !
=> Et
terminons par quelques connaissances;-)
Laurent Delahousse: As-tu une idée pour un nouveau casting pour la série de Canal + "Catherine et Liliane" ?
Oui,
et d’ailleurs Sarah Briand et moi attendons toujours notre contrat.
Ne tarde pas trop, Stanley Kubrick a posé une option sérieuse…
Pauline Dordilly: Comment définis-tu ta Belgitude ?
Un
soupçon de naïveté, une dose de rire facile, une propension aux
gaffes, un goût prononcé pour la bière !
Eva Roque Sophie, pourquoi un piercing ?
Mon
piercing à l'oreille est on ne peut plus classique. Il résulte
d'une vieille lubie. Et d'un pari avec un ami qui devait se faire
tatouer. (Je lui rappelle au passage qu'il n'a pas respecté son
engagement !). Façon pour moi d'afficher une forme de douce
rébellion. Et c'est là tout le paradoxe : chercher à casser les
codes mais avec mesure. Une révolte larvée, timide, contrôlée,
prudente. PS : Je tiens à préciser que j'ai morflé...
Candice Marchal Y a t-il une personne, une phrase, un fait qui a structuré ton
métier de journaliste ?
RAS
Fabien Lasserre As-tu des projets ? Si tu avais le choix, tu te tournerais vers la
fiction ? Docu fiction ou fiction documentée ?
Docu
fiction. Sans hésiter. Mais pas sans toi ! - Monter sur scène pour présenter ton premier one-woman-show
- Accepter le rôle de Carrie dans la nouvelle saison de Homeland
- Etre réalisatrice ou scénariste d’un long-métrage de fiction
- Présenter une émission de débats à la radio
- Changer de vie et partir faire le tour du monde.
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