Souvenirs d'un médecin d'autrefois

jeudi 2 mai 2024

 

Noisette sanglante


Le rouge et le blanc

Harold Cobert

 


Russie, 1914 - Deux frères et une sœur de lait. Amis normalement pour la vie. Sauf si les soubresauts d’un pays ne sont que les prémices d’un tremblement politique à la puissance incalculable sur l’échelle du temps.

Alexeï et Ivan sont nés dans une famille d’aristocrates russes dont l’éducation est orientée sur le devoir et une rigidité patriarcale, et, où les sentiments sont aléatoires. Alexeï est en faveur d’un renouveau démocratique sous les couleurs libérales. Ivan ne jure que par la révolution sous la bannière marxiste. Natalia, la sœur de lait, est la fille de la gouvernante et de l’administrateur des terres, rapidement elle va rejoindre Ivan dans son combat anarchiste puisqu’il sonne, au départ, humaniste.

Mais les évènements tournent progressivement au drame, tout va basculer pour la fratrie qui va se déchirer sous les couleurs rouges et blanches.

À travers pratiquement un siècle d’histoire - jusqu'à la chute du mur de Berlin -  incluant deux guerres mondiales, Harold Cobert produit une fresque historique sur la Russie, absolument stupéfiante, portée par une narration précise – parfois trop car âmes sensibles s’abstenir – et une écriture qui emporte le lecteur à travers un pays dont le nom résonne comme une tragédie perpétuelle malgré une richesse et une culture extraordinaires.

Si le roman semble à première vue historique, rapidement il prend également des allures géopolitiques et c’est là d’où il tire toute sa force. Les enjeux d’une guerre, d’une révolution – on le sait – sont multiples mais les décortiquer via la fiction permet de s’immiscer dans la psychologie des êtres qui s’engagent pour une cause, noble au départ, mais qui se transforme en ogresse. Les camps sibériens existaient sous les tsars, ils ont perduré sous l’empire soviétique. À Berlin le drapeau nazi a été remplacé en partie par la faucille et le marteau avec des exactions de toute part. Rouge ou blanc, la barbarie laissait des traces vermeilles dans la neige russe puis soviétique. L’intransigeance entraîne l’intransigeance, la violence appelle la violence, la manipulation devient une balle de ping-pong, les crimes profitent aux crimes, l’inhumanité conduit à la folie des hommes ; l’extrémisme de toute part est une violation de la condition humaine.

Un grand roman, très dur mais qui est le reflet d’un monde ayant existé et qui, hélas, existe encore, un monde où les guerres volent la paix, où la confiance est une denrée rare et les trahisons courantes, où la rage du pouvoir fait vendre les âmes pour banaliser la mort et se moquer des vies.

Le rouge et le blanc – Harold Cobert – Éditions Les Escales – Mars 2024

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