Une noisette, un livre
Camille Claudel
Colette Fellous
Un
livre à l’image d’une sculpture de Camille Claudel : élégant, délicat,
travaillé, élaboré avec amour, les mots semblent avoir été posés sur les
contours d’une œuvre de l’artiste afin de faire battre le cœur du marbre, du
plâtre, du bronze, qui garde encore bien des secrets.
L’écrivaine
Colette Fellous a choisit le côté psychologique de la sculptrice plutôt que ses
réalisations et, surtout, elle cherche à comprendre, à essayer de comprendre
comment on a pu laisser Camille Claudel pendant 30 ans dans cette prison
psychiatrique et comment sa mère a pu être aussi détachée de sa fille.
Camille
Claudel et son mystère, ses mystères. Un talent inouï, une soif de création
infinie, un acharnement au travail sans aucune limite mais une vague s’agitait
au-dessus d’elle, une vague non définissable, non maîtrisable, sournoise,
apparaissant puis disparaissant, pour un jour engloutir une vie. Certains
nomment cette vague la folie. Mais ce terme est si polysémique qu’à force de le
définir on arriverait soi-même à perdre la raison. En m’interrogeant avec
l’auteure sur les possibles sources des égarements de Camille m’est venu cette
phrase de Werther dans l’opéra de Massenet « Demandez donc aux fous d’où
vient que leur raison s’égare ! »
Camille,
sœur de l’illustre écrivain Paul Claudel est née après la mort du frère ainé
Charles-Henri, d’une mère qui s’était retrouvée orpheline de sa propre mère à
trois ans et qui verra son frère se suicider à vingt ans pensant qu’il a été le
seul responsable, en venant au monde, du
décès de leur génitrice. Comme une malédiction qu’aurait héritée Camille.
La
lumière de Camille fut Auguste Rodin mais qui a peut-être conduit l’artiste
dans l’obscurité, Camille en voulant à Auguste, un mariage espéré jamais
réalisé, un possible avortement… elle finit par croire qu’il l’assassinerait un
jour. Une paranoïa assourdissante pour un amant qui, pourtant, ne cessa de
l’aimer et qui fut, sans aucun doute, le grand amour de sa vie.
Cette
nouvelle biographie nous fait encore aimer davantage cette énigme Camille
Claudel, qui malgré ses troubles continuaient à croire qu’elle sortirait de cet
asile car « l’espoir est un signe de vitalité ». Un récit non
chronologique, qui suit simplement les méandres d’une vie, qui façonne les
irrégularités avec une plume raffinée aux sons de Ravel et de Monteverdi.
Monteverdi avec « Le retour d’Ulysse dans sa patrie » parce que
Colette compare Camille au héros d’Homère dans le premier chant de l’Odyssée,
séparée des siens…
Une
écriture sculpturale pour une vie hors-norme.
« C’est là le roman
de sa vie, tragique et magnifique. Par moments, elle éclaire nos propres vies,
elle en exhibe les coutures, les frontières, les blessures, les dangers, les
fragilités, les passions. Elle confirme que tout peut basculer très vite, et
que nous ne sommes pas toujours les maîtres de notre vie ni de notre
équilibre. »
« Valse noire, de
terre, de plâtre, de marbre, d’onyx ou de bronze, démarche trébuchante, valse
brillante, valse folle, qui continue à faire entendre ses pas, ses
tremblements, son pouls. »
Camille Claudel –
Colette Fellous – Editions Fayard – Février 2018
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