Une noisette, une
interview
Annaïg Le Dû – Stéphane
Charrier
Créateurs de la Librairie
L’Antidote à Parthenay
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Annaïg Le Dû et Stéphane Charrier dans leur librairie l'Antidote © Squirelito |
« A nous libraires
de rendre une relation, entre les livres et les lecteurs, plus humaine »
Après
avoir été salariés dans différentes structures, Annaïg Le Dû et Stéphane
Charrier ont décidé de se lancer dans la création de leur propre commerce en
mai 2013. De l’audace ils en avaient, de l’audace ils en ont encore, de
l’audace il semble qu’ils en auront toujours. Parce qu’être libraire est une passion,
une vocation, une transmission.
Pour
l’écrivain Francis Dannemark, « dans une librairie le temps ne passe
pas », à les écouter non plus, surtout quand la fragrance des livres vous
effleure à l’instar des mots sur notre âme.
Quelles ont été vos motivations
pour vous lancer dans l’aventure d’une librairie ? Au départ, le pari
n’était pas gagné ?
Non,
c’était loin d’être gagné. Mais nous avions envie de voler de nos propres
ailes, de mettre en place nos propres idées après avoir été salariés. Nous étions
conscients de la désertification du commerce en centre-ville mais, après une
étude de marché, nous voulions relever le défi en nous installant. A part les
grandes surfaces, il ne restait aucune librairie sur Parthenay depuis 2009 et
vu le dynamisme des associations culturelles locales, il y avait une carte à
jouer. Et c’est une réussite.
Pourquoi ce nom de
l’Antidote ? Parce que la lecture est le meilleur exutoire contre les maux
d’une société ?
Oui,
la lecture comme remède. Nous nous sommes réunis avec amis et membres de la
famille pour trouver une idée originale, nous ne voulions pas des éternels
vocables « mot, page, livre » et c’est l’antidote qui a fait
l’unanimité. En plus, c’était une référence à l’essai d’Eugène Ionesco
« Antidotes ».
Vous faites partie du
réseau des « Librairies Indépendantes en Nouvelle Aquitaine »,
au-delà du portail pour la recherche de livres, quels sont les avantages d’être
membre de cette association ?
Comme
pour beaucoup d’associations, il y avant
tout de l’entraide. Cela permet de
porter une voix à plusieurs en cas de souci avec des fournisseurs, de
mutualiser les tournées d’auteurs, de gérer les conférences avec la prise en
charge des frais d’animation, d’avoir plus de poids dans les négociations avec
les éditeurs, d’avoir à sa disposition des outils de communication (marque-pages,
logos, plaquettes pour les rentrées littéraires,…).
C’est
la plus importante association de libraires de France vu que nous sommes dans
la plus grande région française.
Autre réseau, celui de
la « Page des libraires », en dehors de leur publication
trimestrielle et de leur jury annuel, quels sont les soutiens, les échanges,
qui existent entre cette entité et les libraires ?
Il
y a moins d’un an que nous sommes partenaires avec la « Page des
libraires ». Nous pouvons proposer des critiques de livres et c’est
extrêmement apprécié de notre lectorat qui devient de plus en plus méfiant des
chroniques professionnelles, une revue rédigée par des libraires donne
confiance.
Nous
avons choisi d’offrir la revue à nos clients parce que c’est un signe de
bienveillance envers notre clientèle. Chaque année, au mois de juin, la
« Page des libraires » organise une réunion pour présenter la rentrée
littéraire. Hélas, se déplacer sur Paris n’est pas toujours évident. Mais pour
y être allé une fois, c’est une rencontre formidable entre libraires et
bibliothécaires.
Face à Amazon, comment
résister ?
En
ayant son propre portail pour une réservation en ligne de livres avec de
« vrais gens » qui lisent contrairement aux avis parfois fabriqués
chez le géant du Net… A nous de rendre une relation, entre les livres et les
lecteurs, plus humaine.
En 5 ans d’activité,
quels sont les genres littéraires qui ont été les plus demandés,
recherchés ?
La
littérature française, la bande-dessinée et la littérature jeunesse.
Le rôle du libraire
n’est-il pas aussi de proposer des ouvrages hors des sentiers battus ?
Bien
sûr et heureusement ! C’est ce qui nous démarque des grandes surfaces qui
sont centralisées sur leurs choix. Quant à l’offre Internet, elle s’incline
souvent aussi vers les best-sellers.
Nous,
nous faisons notre propre sélection, nous découvrons et faisons découvrir des
pépites que l’on ne trouve pas ailleurs, c’est ce que recherche notre
clientèle. Nous aimons être surpris par l’inconnu, par l’inhabituel, c’est ce
qui fait le sel de notre métier.
Par
ailleurs, nous mettons une attention particulière à choisir des ouvrages selon
l’actualité et selon ce que souhaitent nos habitués. Rien de plus agréable que
de contenter nos clients !
On
peut souligner aussi le rôle des émissions littéraires, en particulier
« La Grande Librairie », de François Busnel sur France 5, qui est un
vecteur d’achat dans des structures comme la nôtre. A ce magazine, s’ajoutent beaucoup
de programmes sur France-Culture, France-Inter sans oublier la chronique
d’Olivia de Lamberterie dans Télématin sur France2.
Quel est le livre le
plus intemporel ?
Annaïg : La servante écarlate de
Margaret Atwood
Stéphane : Bartleby d’Hermann Melville.
Un classique qui ne se rattache pas à une époque en particulier.
Quel est le livre qui
vous a le plus marqué ?
Annaïg : Faust de Goethe
Stéphane : L’étranger d’Albert Camus
Quel est le livre idéal
en bibliothérapie ?
Annaïg : Abraham et fils de Martin
Winckler. Des faits graves mais un livre rassérénant. Cette idée de
transmission par une relation forte entre un père et son fils.
Stéphane : Eloge de la fuite d’Henri
Laborit. Pas forcément une lecture facile
et pourtant le livre de chevet par excellence par son éclairement…
Quel est votre coup de
cœur depuis le début de l’année ?
Annaïg : Sauveur et fils, saison 4 de
Marie-Laure Murail. Une littérature jeunesse avec beaucoup d’humour, on passe
du rire aux larmes au fil des saisons car elle imite le code des séries.
Stéphane : Taqawan d’Eric Plomondon. Une
intrigue policière qui tient en haleine, la place des indiens au Canada, un
côté naturaliste sur la faune sauvage, c’est une très belle surprise et, en
plus, un petit éditeur (Quidam) qu’il faut soutenir.
Quelques liens utiles
* Librairie l'Antidote : http://librairie-lantidote.fr/
* Librairies Indépendantes en Nouvelle-Aquitaine : https://www.librairies-nouvelleaquitaine.com/
* Page des Libraires : https://www.pagedeslibraires.fr/
« On écrit pour ne
pas mourir entièrement, pour ne pas mourir tout de suite. Les deux raisons les
plus fortes d’écrire sont bien celles-ci : faire partager aux autres
l’étonnement, l’éblouissement d’exister, le miracle du monde et faire entendre
notre cri d’angoisse à Dieu et aux hommes, faire savoir que nous avons existé. » Eugène Ionesco - Antidotes