Souvenirs d'un médecin d'autrefois

mardi 25 juillet 2017


Une noisette, un livre

 

La tresse

Laetitia Colombani

 


Comme dirait François Busnel de La Grande Librairie, attention petit chef-d’œuvre ! C’est d’ailleurs lors de cette émission que j’en ai entendu parler pour la première fois et j’avais tweeté que ce récit me semblait être un peu dans la ligne du film Babel : trois personnes dans des lieux différents, de cultures différentes. Au départ rien ne semble pouvoir les réunir et pourtant une tresse d’évènements va les unir indirectement. C’est beau, c’est émouvant, c’est fort. C’est un bain de positivité dans une société cruelle. Décoiffant ! 

 Elles sont trois femmes. Smita, Giula et Sarah. Elles habitent respectivement l’Inde, l’Italie et le Canada. Trois vies, trois situations complètement distinctes. Mais elles ont quelque chose en commun : le refus de se soumettre à la fatalité. Le fil conducteur de ces trois histoires sera le cheveu…

Smita est une Dalit, la caste indienne des Intouchables rejetée pitoyablement. Elle a une petite fille et refuse de la voir grandir sans instruction, refuse de la voir condamnée à n’effectuer que des travaux humiliants. Un jour elle décide de s’enfuir la nuit…
Giula est sicilienne et travaille dans l’atelier de son père qu’il a lui-même hérité de son père. Il a un accident et Giula découvre une terrible vérité qui risque d’anéantir sa famille et les ouvriers : la petite usine est en faillite et tout est hypothéqué. Passionnée par la lecture, elle va rencontrer par hasard un réfugié. A partir de là, tous les espoirs sont permis.
Sarah est une brillante avocate. Tout lui réussi et elle s’est fabriquée une carapace d’acier. Elle sacrifie tout pour son métier jusqu’au jour où elle s’effondre en pleine audience. Le verdict est terrifiant : une tumeur  dans sa poitrine. Elle pense s’en sortir professionnellement en cachant sa maladie. Mais au royaume des impitoyables, le risque est immense. Et le cancer, un tabou que personne ne veut côtoyer. Alors, devant l’impossible, elle va se battre en prenant soin de ne plus agir comme avant et de profiter de la vie.

 Laetitia Colombani emporte le lecteur dans un tourbillon émotionnel. L’écriture est vive, légère, belle, tout simplement, sans le besoin d’y ajouter des fioritures inutiles, avec un lot de poésie qui est le climax de ce roman.

Derrière chaque destin, de nombreuses références à la culture du pays, aux difficultés rencontrées, aux inepties de sociétés où le faible a peu de rôle à jouer… mais où l’espoir est encore permis. Du moment que l’on s’en donne les moyens, que l’on croit en sa bonne étoile, que l’on croit en une lumière qui permettra d’avancer. Et de gagner.

 Un tissage de mots pour un récit esthétique et cérébral qui brosse avec délicatesse la finesse des sentiments et la force des convictions. De la chrysalide on passe au papillon de l’amour à l’instar des nymphes bienveillantes et protectrices.

« Pour elle-même, elle a accepté ce sort comme une cruelle fatalité. Mais ils n’auront pas sa fille.(…) Non, ils n’auront pas Lalita. Sa révolte est silencieuse, inaudible, presque invisible. Mais elle est là. »

 « Elle sait pourtant quelle n’a pas le droit d’être ici. Kamal n’a pas la même peau, pas le même dieu que les Lanfredi (…). Giula aime Kamal en secret. Leurs amours sont clandestines. Ce sont des amours sans papiers. »

 « Sarah le sait maintenant : elle est stigmatisée. Dans cette société qui prône la jeunesse et la vitalité, elle comprend que les malades et les faibles n’ont pas leur place. Elle qui appartenait au monde des puissants est en train de basculer, de changer de camp. »

 La tresse – Laetitia Colombani – Editions Grasset – Juin 2017

5 commentaires:

L'ivresse littéraire a dit…

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre néanmoins c'est un très beau roman sur la femme, les femmes et leur condition. Laetitia Colombani réussit parfaitement la mise en lumière des difficultés à être une femme libre et indépendante et cela peu importe le statut social, ou encore le lieu de vie.

Eva a dit…

moi aussi j'ai entendu parler de ce livre pour la 1ere fois à LGL, et depuis j'ai très envie de le lire! ce sera d'ailleurs l'une de mes lectures estivales.

Squirelito a dit…

La Grande Librairie est vraiment un immense réservoir d'idées lecture et merci au service public de programmer un tel écrin en prime time ! Bonne lecture Eva et j'attends ton opinion.
Salutations à tous les blogueurs et les riches échanges qu'ils permettent. Et les belles rencontres IRL, n'est-ce-pas ;-)

Christiane Mirabaud a dit…

En cours... A priori ça me plait bien que je ne sois pas une fan des allers-retours d'un personnage à l'autre

Squirelito a dit…

Vous me direz Christiane votre opinion finale. Mais j'ai bien aimé ces trois destins qui se mêlent comme les trois fils de la tresse, l'un après l'autre

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