La
semaine télé de Squiri
Eric Rohmer/Otello/Louis
de Funés/Jean d’Ormesson
Ouvrir
le programme télé est un peu comme se retrouver devant le rayon
chocolat d’une grande surface. Du choix de bas en haut et de haut
en bas mais face à la prolifération des offres, ne point tomber
dans l’avalanche boulimique et choisir les quelques bons crus pour
une dégustation avec modération.
Deux
bijoux diffusés lundi sur Arte pour commencer la semaine sous le
signe de la littérature cinématographique. L’expression peut
surprendre et pourtant le maestro Eric Rohmer a bien été le
Marivaux du cinéma du XX° siècle. "Le genou de Claire"
et "Ma nuit chez Maud", des propos d’une grande
finesse dans le jeu de la séduction où des événements
imprévisibles attendent les protagonistes. Un casting où figurent
grands noms (Jean-Claude Brialy, Jean-louis Trintignant, Françoise
Fabian) et acteurs méconnus (Aurora Cornu, Béatrice Romand, Gérard
Falconetti) mais où tous peuvent librement donner sens à leur texte
tant le réalisateur laissait une extrême souplesse dans le jeu des
personnages. Absence de musique mais le son de la vie à chaque image
comme pour encore mieux fusionner réalité et fiction sour la
bannière des rencontres. Du grand art et une soirée qui entraîne
dans les songes des destins de l’amour et du hasard.
Mardi
sur France2 l’amour tournait au drame de la jalousie sur fond de
complot : Otello, opéra de Giuseppe verdi d’après l’oeuvre
de William Shakespeare. Sous la direction de Myung-Whun Chung cette
production en direct des Chorégies d’Orange a offert une approche
terriblement médiatique grâce à un casting à la hauteur :
Roberto Alagna, Inva Mula, Seng-Hyoun Ko et Florian Laconi dans les
rôles principaux. Roberto Alagna apporte une vision beaucoup plus
déchirante qu’à l’accoutumée, timbre lumineux mais accents
dramatiques qui font de lui un très grand Maure de Venise enveloppé
d’une force solaire. Inva Mula et sa voix limpide tel un cristal
qui se brise doucement, transforment son Ave Maria comme pratiquement
un chant d’espérance. J’avais remarqué le fougueux baryton
Seng-Hyoun Ko lors d’un Rigoletto magistral, sa verve lyrique n’a
pas changé, un timbre puissant et une présence scénique haute en
prestance. Quant à Florian Laconi, il est une des valeurs
sûres de notre paysage lyrique français: vaillant et touchant, que
dire de mieux lorsqu'on incarne le personnage parfois ingrat de Cassio.
Merci à
la chaine publique de continuer à diffuser ce type de spectacle bien
trop inaccessible pour la plupart d’entre nous. Et même si les
audience ne suivent pas toujours, c’est une mission à suivre pour
qu’un peu de culture puisse continuer à vivre dans la petite
lucarne.
(Via @Chorégies)
De la
ville d’Orange nous passons jeudi à celle de Saint-Tropez avec le
troisième volet diffusé sur M6 du gendarme le plus célèbre de France : le
Maréchal des Logis-chef Cruchot alias l’unique Louis de Funés.
Vu, revu et bien plus encore, la magie Louis de Funés opère
toujours, surout qu’il est entouré avec sa bande de joyeux lurons
sans oublier Claude Gensac injustement mise à l’écart après le
décès du grand Louis. Moment de détente assurée avec musculation
des zygomatiques afin de mieux résister aux aléas de la vie. Fufu ou
le meilleur antidépresseur qu’aucune médecine n’aurait pu
trouver. Et où vous êtes Monsieur de Funés, n’oubliez pas de
saluer votre confrère Charlot ainsi que ces adorables saltimbanques
de la comédie. Parfois, je me demande même, si la pluie qui tombe
n’est pas tout simplement les larmes de rire que vous nous envoyez
du paradis...
Et la
semaine se termine par la rediffusion ce jour, d’un entretien de
Jean d’Ormesson par Laurent Delahousse dans l’incontournable
magazine "13H15 le dimanche" le frère jumeau de
"13h15 le samedi". Toujours une chose étrange que
d’écouter cet Immortel même s’il affirme qu’un "jour
il s’en ira sans en avoir tout dit". De Jean d’Ormesson je
dirai (si j’ose un peu) que c’est la pertinence du vocable dans
l’élégance de la simplicité. Dans cette interview se mêlent
l’observation politique avec les Présidents successifs de la V°
république (accompagnée d’archives télévisuelles), le regard
sur la société, le parcours d’une vie avec son lot de larmes et
de rires. Un échange qui atteint son climax lorsque Laurent
Delahousse déclare avec justesse "il n’y a rien de plus
intéressant que l’avenir" et ce à quoi Jean d’Ormesson
répond avec brio :" il n’y a rien de plus intéressant que la
vie" ! Tous est dit, ou presque, un petit pas de sagesse
pour un grand saut d’humanité.