Noisette onirique
Ma vie avec Gérard
de Nerval
Olivier Weber
Le grand
reporter et écrivain nous convie à un voyage en « Nervalie ». D’aucuns
auraient pu songer qu’il nous inviterait en « Kesselie » ou en « Garylie »
mais c’est avec ce « souffleur de vers » que l’invitation
prend forme puisque la poésie de Gérard de Nerval a accompagné Olivier Weber
depuis son enfance pour lui permettre de s’évader de l’orphelinat où les
punitions avaient remplacé les rêves. Véritable boussole pour ses futurs
déplacements en Orient, en Afghanistan, par monts et par vaux, Gérard de Nerval a été son maître et,
parfois, son double dans la mélancolie des vagabondages.
Gérard de Nerval ne le quitte pas, même en traversant les frontières clandestinement, un recueil dans la poche en guise de visa. Comme une bonne étoile la poésie va servir de pare-chocs contre la mitraille, être un morceau de paradis dans certaines descentes en enfer, la voix d’un fantôme pour le guider dans les ruines de l’humanité. La poésie de Nerval versus les idéologies sanglantes. Pour Olivier Weber « la poésie apprend à espérer » tandis que « l’idéologie apprend à mentir », un viatique contre un fardeau.
La lecture de ce texte pourrait être vertigineuse puisque l’idée de ce livre est née dans l’esprit d’Olivier Weber lorsqu’il escaladait les pentes du glacier du Lhotse dans l’Himalaya, prendre de la hauteur pour souffler la démarche nervalienne. Bien plus qu’un hommage à celui qui sombrera dans la folie, c’est une déclamation d’une vie éternelle sur les pentes de l’existence humaine, rendre vivant ce qui ne l’est plus pour en tirer une force intérieure.
Le parcours de Gérard de Nerval s’apparente à une psyché pour l’écrivain, et, chacun pourra y puiser des forces, être des Sisyphe sur les parois du monde pour diffuser la poésie, la beauté, sur les duretés et laideurs ambiantes.
« La poésie nervalienne élève et apaise. Et c’est tout ce que l’on demande à un poète voyageur, qui nous emmène soigner nos affres dans des édens désirés, fussent-ils chimériques ».
« Le séjour viennois s’étend, contrairement au sentiment amoureux. Nerval est usé par une sorte de double jeu, cette distanciation qu’il a avec le monde diplomatique, cette volonté de faire semblant. Il se rend compte qu’il n’est pas du sérail. Aux grands sensibles, la patrie n’est pas toujours reconnaissante, la diplomatie encore moins. Le protocole et le rang sont intraitables. On ne pardonne guère à ceux qui n’ont pas le sang bleu, même s’il s’agit du rejeton d’un médecin des Armées impériales dont la mère est morte en campagne ».
« Comme Romain Gary au siècle suivant, il est trop à l’étroit dans son existence pour ne vivre qu’une seule vie ».
Ma vie avec Gérard de Nerval – Olivier Weber – Éditions Gallimard – Septembre 2024